Le grand saut : 6 juin 1944

Le grand saut : 6 juin 1944

Les zones de largage prévues

Drop Zone et Landing Zone pour les 7 000 parachutistes de la 6 th Airborne Division

 

La zone de largage prévue pour le 9ème bataillon du lieutenant-colonel Otway est désignée par un “V”. Plusieurs difficultés se présentent pour l’opération aéroportée : en premier lieu, une météorologie épouvantable avec un très fort vent d’Ouest augmente les risques de déport vers l’Est et les Marais inondés par Rommel.

 

En second lieu, le laps de temps sera très court depuis le franchissement par le transport de la côte française jusqu’à la Drop Zone V puisqu’elle ne se situe qu’à environ 5 km. Cela sera d’autant plus critique qu’au moment de passer la côte la défense anti-aérienne allemande se déchaînera.

 

En troisième lieu la Drop Zone V borde la zone inondée sur une vaste étendue par Rommel. Tout le relief est dissimulé par l’eau et la profondeur en certains endroits peut être fatale pour des parachutistes avec tout leur barda.

Pour finir, ce saut de nuit augmentera encore les difficultés du largage.

Les éclaireurs

Les éclaireurs du 9ème Bataillon seront les premiers à décoller pour la Normandie

 

Plusieurs groupes d’éclaireurs du 9ème Bataillon du lieutenant-colonel Terence Otway décolleront au cours de la première demie heure du D-Day. Il est 00h30. Les éclaireurs sont commandés par le major Alan Parry. Les éclaireurs doivent reconnaître la Batterie pour pouvoir en dresser un état au lieutenant-colonel Terence Otway, au point de rendez-vous de la Drop Zone, déminer et marquer des couloirs pour la force d’assaut, baliser la Zone de largage ainsi que le point de rendez-vous et guider le 9ème Bataillon jusqu’à la Batterie dans la plus grande discrétion.

 

La tâche de cisaillage des barbelés, de déminage et de marquage des accès déminés revient au sergent-major Miller.
En Normandie la tempête souffle impétueusement sur les côtes.

 

Les static lines sont attachées (lien d’ouverture automatique du parachute accroché à une ligne fixe le long du plafond du Dakota), le rouge s’allume puis vient le vert et le stick des parachutistes saute au grand complet.

 

Le sergent-major Miller se dirige rapidement avec ses hommes dans le silence de la nuit vers la Batterie, fort des points de repères qu’il connaît à fond grâce à l’entraînement près de Newbury. Quand tout à coup ils entendent le son caractéristique d’une flotte de bombardiers de la Royal Air Force. Ils ont tout juste le temps de se jeter à terre : des bombes lourdes explosent de tous côtés. Il est miraculeux qu’ils s’en sortent. Le bombardement programmé de la Batterie s’éloigna manifestement de sa cible. Sur leur droite, Gonneville est en flammes. Dès le déluge de feu passé, au milieu de la poussière le sergent-major Miller reprend sa progression au plus vite. Le temps presse, le planning horaire est serré !

 

Les voilà au contact de la Batterie, après avoir évité une patrouille qui les stoppa une nouvelle fois. Ils entament leur mission de reconnaissance, rampent, coupent les barbelés puis reviennent en arrière pour attendre l’équipement de déminage et les rubans de marquage des chemins sécurisés. Le parachutiste qui les rejoint et qui devait les pourvoir arrive les mains vides. Tout l’équipement a été totalement perdu lors du largage !

 

Le sergent-major Miller ne renonce pas. Avec le lieutenant Paul Greenway, ils vont déminer à la main et marquer le terrain avec leurs chaussures.
Alan Parry finira, après avoir été largué hors de la Drop Zone, par la rejoindre.

Le décollage des “Dak”
avec 750 hommes

Le 9ème Bataillon au grand complet décolle à son tour pour la Normandie

 

Deux mois seulement après avoir découvert pour la première fois son objectif de mission dans une pièce secrète de l’Intelligence Headquarters, le lieutenant-colonel Terence Otway volait à bord d’un Dakota de la Royal Air Force vers sa zone de largage.

 

Les Dakota, avec leurs larges marques blanches (signe distinctif des forces aériennes de l’opération Overlord), volent en formation. Au total, pour la 6th Airborne Division, ce sont les moteurs de quelques quatre cents Dakota qui résonnent d’un seul vrombissement.

 

Les pilotes des Dakota emmènent leurs sticks de parachutistes qui avec tout leur barda peinèrent réellement pour retrouver la place qui leur était assignée dans l’avion. Les hommes dans la carlingue du Dakota se font face. Les pilotes surveillent leur tableau de bord. Ils contrôlent leur assiette, leur vitesse, leur altitude, leur cap, les pressions… Ils fondent sur la France.

 

Puis la côte émerge de la nuit : la Normandie est en vue.
Dans deux petites minutes, les Dakota du 9ème bataillon devront stabiliser leur assiette, voler à la bonne vitesse et à la bonne altitude. Mais la Flak se déchaîne !

La violence de la Flak allemande

Une défense anti-aérienne dense qui ajoute aux difficultés de très mauvaises conditions météorologiques

 

Dès le moment où la côte fût en vue, les alarmes des défenses anti-aériennes allemandes hurlèrent. Les servants tirent leurs obus fusants et traçants. Les projecteurs et les traçants zèbrent le ciel nocturne, les obus explosent et font rougeoyer la nuit. Le vent souffle par l’Ouest en rafales furieuses, la poussière consécutive au bombardement massif qui a précédé la gigantesque vague des Dakota ajoute à la chaotique vision ainsi que les différents incendies et notamment pour le 9e Para celui de Gonneville, les marais inondés brouillent la limite réelle des terres, la Dives et l’Orne peuvent facilement donner lieu à méprise…

Et il faut pourtant coûte que coûte descendre à l’altitude de saut et rester à la vitesse voulue c’est-à-dire réduite. La Flak s’intensifie, les avions sont déportés, soulevés par le souffle des obus qui explosent de toute part.

 

Les parachutistes sont projetés les uns contre les autres, au milieu de leur armement, de leur équipement, des odeurs d’essence qui se dégagent dû aux mouvements brusques de l’avion. Les formations de Dakota sont rompues, les moteurs donnent clairement à entendre toute leur puissance, sous la poussée des gaz, pour esquiver les paquets d’obus meurtriers. Les risques de collision augmentent de manière critique. Des éclats frappent les carlingues et les différentes lumières qui accompagnent les projectiles participent au renforcement de cette vision cauchemardesque d’une violence inouïe… Au milieu de cet enfer chacun s’efforce de guetter comme il peut le rouge puis le vert.

 

Le comble de l’adversité sera atteint lorsque les pilotes du 9ème Bataillon se rendront compte qu’aucune des balises Eureka devant baliser la Drop Zone V ne fonctionne. Ils sont aveugles, dans un déluge de feu et d’acier. Les voyants s’allument tout de même, la plupart sautent comme si ils étaient entraînés par le voyant vert qui signifiait « go », mais certains sont projetés par des explosions ou des manœuvres violentes. Certains pilotes tentent une nouvelle approche, d’autres se montrent beaucoup plus réticents, d’autres parachutistes sautent encore.

 

Le saut tourne au drame, les sticks sont complètement dispersés. C’est cependant le 9ème bataillon qui sera le plus cruellement touché par la dispersion des parachutages.t

La réalité tragique du saut pour le 9th Para Bn

600 parachutistes vont être éparpillés dans les marais inondés Par Rommel.

 

Des parachutistes se blessèrent grièvement en arrivant au sol… D’autres se retrouvèrent totalement isolés, perdus… Certains se retrouvèrent sans équipement et totalement désarmés… D’autres tombèrent dans l’eau des marais. Le brigadier James Hill fût l’un de ceux qui ont atterrirent dans l’eau, rassemblant un groupe d’environ 40 hommes, dont la plupart furent malheureusement tués lors d’une attaque aérienne alliée, y compris le maître-chien Emile Corteil, âgé de 19 ans, aujourd’hui enterré avec son chien à Ranville. Hill fût gravement blessé, mais continua à commander sa brigade. 
Le lieutenant-colonel Terence Otway tombera à proximité d’un bâtiment occupé par des Allemands, qui l’ont vu. Des parachutistes rencontrèrent des patrouilles allemandes. Où que l’on se tourne, on ne trouve qu’épreuves, douleurs et adversité. Et pourtant, même dans ces conditions extrêmes, chaque parachutiste n’aura qu’une volonté : rejoindre au plus vite le point de rendez-vous sur la Drop Zone. Et chacun se mettra en marche, au mieux et le plus rapidement possible, dans une zone infestée d’ennemis.
Au moment de l’attaque, seuls 150 hommes avaient atteint le point de rencontre, sans les charge spéciale pour détruire les canons. En d’autres termes, 600 des parachutistes d’élite d’Otway ont disparu, certains se sont noyés dans les marais inondés par Rommel autour de la Dives alors qu’ils luttaient désespérément pour échapper à l’enchevêtrement de parachutes et d’équipements lourds, et la plupart dispersés, avec de nombreuses aventures individuelles comme plusieurs centaines ont réussi à rejoindre leur bataillon au cours des jours suivants, avec d’autres tués, blessés ou capturés.