L’attaque de la batterie

L’attaque de la batterie

Le point de Rendez-vous sur la zone de largage

Un désert absolument affreux au point de rendez-vous sur la Drop Zone V

 

Le premier à découvrir la situation dramatique au point de rendez-vous fût le dernier à avoir décollé, à savoir, le capitaine Hal Hudson. Dernier parti, il aurait dû retrouver la quasi-totalité du 9ème bataillon au point de rendez-vous. Il n’en crût pas ses yeux. Il pensa à une erreur de parachutage et à une méprise sur l’endroit. Le contact établi avec le lieutenant-colonel Terence Otway allait vite le détromper.

 Terence Otway éprouve une tension extrême. Il continue despérer malgré tout que d’autres hommes, d’autres équipements rejoindront ses parachutistes présents au point de rendez-vous. Un homme sur cinq seulement s’est présenté. La majorité du 9ème bataillon est manquant. Chacun est horrifié face à cette situation. 

Le major Alan Parry qui scruta longtemps le ciel, pour baliser la Drop Zone aux cinq planeurs attendus, informa le lieutenant-colonel Terence Otway qu’il fallait également les considérer comme manquants. Effectivement quatre de ces cinq planeurs qui transportaient du matériel absolument essentiel pour les parachutistes ont été largués trop loin où dans les marais, l’un des planeurs a rompu son câble de remorquage et s’est écrasé dans les vagues déchaînées de la Manche, tuant tous ses occupants. Cela explique aussi pourquoi le sergent-major Miller ne disposa pas de ses détecteurs de mines et de ses rubans de balisage.

De plus, l’un des trois planeurs destinés à atterrir plus tard prêt de la batterie à également cassé son câble de remorquage mais a réussi à se poser au Royaume-Uni, il retourna en Normandie le lendemain. Le drame abominable de ces cinq planeurs laissera donc le 9ème bataillon sans munitions, sans jeeps, sans mortiers, sans canons anti-chars, sans ponts légers pour le fossé, sans mitrailleuses, sans matériel de démolition, sans ambulance, sans matériel médical, sans liaison avec le croiseur Arethusa…

 

Les mortiers étaient d’autant plus cruciaux que les fusées éclairantes destinées à guider les 3 planeurs devant se poser sur la batterie, nécessitent un mortier pour leur projection.

La décision du
Lieutenant-colonel Otway

Le maintien de l’objectif

 

Le lieutenant-colonel Terence Otway ne dispose que de 150 parachutistes équipés seulement d’armes légères, mitraillettes Sten et grenades, au lieu de ses 750 hommes du 9ème Bataillon. Son officier médecin est présent mais seulement avec quelques infirmiers au lieu de la trentaine attendue. Il ne peut compter que sur 6 torpilles bengalore au lieu des quelques 60 prévues initialement. Il ne possède qu’une seule et unique mitrailleuse. Il n’y a plus aucun poste radio.

 

Le 9ème bataillon se trouve dans une situation de dénuement extrême.
Malgré cet épouvantable état de fait le lieutenant-colonel Terence Otway maintient l’objectif. Il s’apprête à lancer tout le monde dans l’assaut. L’échec est exclu, absolument exclu. Les canons de la batterie de Merville doivent être neutralisés, à tout prix. Le débarquement l’exige. L’honneur du bataillon aussi. Le lieutenant-colonel Terence Otway pense aux forces Alliées qui sont déjà en route. Il pense à tous ces hommes qui, sans défenses sous la puissance de feu conjuguée de ces quatre canons, seraient effroyablement laminés s’ils n’étaient réduits au silence. Il va donc mettre tous ces hommes en mouvement pour donner l’assaut à la batterie de Merville.

 

Il attendra jusqu’au dernier moment avant de donner l’ordre à sa colonne de progresser.

 

Le major Alan Parry ouvre la marche.
Il est 2h50, le 6 juin 1944.

La progession vers la batterie de Merville

Il ne reste que trois heures pour atteindre la batterie et la réduire au silence

 

Environ 2 500 mètres séparent le 9ème Bataillon de la batterie. La colonne se meut avec beaucoup de précautions dans la nuit. Ce parcours, lors de l’entraînement, ils l’ont pratiqué maintes et maintes fois. Seulement, pas dans de telles conditions…
Ils parviennent enfin au point de jonction avec l’unité de déminage-reconnaissance. Ce carrefour de nos jours est celui du 9ème Bataillon. Une stèle veille, à cette croisée des chemins, pour la postérité. Le Sergent-Major Miller fait son rapport au Lieutenant-Colonel Terence Otway.

 

Rapidement le Lieutenant-Colonel Terence Otway synthétise les nouvelles données et redéfinit son plan d’assaut. Il n’ouvrira que deux brèches dans les barbelés par lesquels les quatre groupes d’assaut fondront sur les casemates. Une par groupe. Les parachutistes qui auront fait exploser leurs torpilles Bengalore couvriront de leur mieux la force d’attaque. Il positionnera une mitrailleuse en couverture du flanc gauche et une mitrailleuse légère en couverture du flanc droit. Il positionnera également une mitrailleuse légère pour attaquer l’entrée de la batterie.

 

Et pour finir, le reste en force de réserve et de couverture des quatre groupes devant neutraliser les canons. Quant à lui, il se tiendra avec la force de réserve à l’intérieur des barbelés en avant des brèches ouvertes.

 

Le Lieutenant-Colonel Terence Otway donne ses ordres et le Major Alan Parry est chargé de mener l’assaut principal. Tout le monde est prêt. La colonne, dans la nuit, se met en marche à nouveau.

Le positionnement du 9th Para pour l’assaut

Le Major Alan Parry, pour mener la force d’assaut qui doit à tout prix percer et vaincre, va s’appuyer sur le Lieutenant Jefferson, le Lieutenant Dowling, le Sergent-Major Ross et le Sergent Long.

 

Ils sont placés à la tête de chaque unité d’attaque.
Il est 04h00. L’aube point. Les parachutistes du 9ème Bataillon prennent position après avoir rejoint la route qui va du calvaire à Descanneville. La mitrailleuse Vickers est installée au lieu marqué par un petit cercle noir sur la carte ci-contre. Sur le terrain, cette position offre effectivement tout le champ voulu pour une couverture de flanc par une mitrailleuse. L’essentiel du Bataillon tourne rapidement à gauche pour emprunter le chemin qui traverse la batterie et se met à couvert du verger paré pour le combat.

 

Et voici que deux planeurs surgissent de nulle part. Et aucune fusée éclairante pour les aider dans leur mission de crash.
L’un des deux disparaît aussi vite qu’il est apparu mais l’autre, celui du Lieutenant Hugh Pond, s’apprête à piquer sur les casemates. Chacun à l’abri du verger retient son souffle mais chacun se rend aussi vite compte que la Flak de la batterie le touche mortellement. La queue du Horsa est en flammes. Son piqué est compromis : le moment est critique. Il continue désespérément sa course, dans un ultime sursaut, en rase mottes au-dessus des casemates, pour se crasher, un peu plus au sud, sur une haie qui borde la route qu’a empruntée le 9ème Bataillon lors de son approche de la batterie. Le Lieutenant Hugh Pond connaît bien la haute dangerosité explosive des armes qu’il transporte. S’il parvient à gagner le sol, il n’est pas certain que son crash ne mettra pas un terme brutal et final à sa mission. La position du crash est indiquée sur l’illustration ci- dessus et le Lieutenant Hugh Pond s’en sortira, fortement commotionné.

 

Avant qu’il ne touche le sol le Lieutenant-Colonel Terence Otway demanda au Sergent-Major Miller de se porter à son secours.

Entre temps les parachutistes, devant prendre position à l’entrée de la batterie, ont continué sur une centaine de mètres la route du calvaire à Descanneville. Avant de tourner, à leur tour sur leur gauche, ils ont détruit un point d’appui allemand armé de mitrailleuses MG (voir l’illustration). Tous les parachutistes sont maintenant en place, prêts à attaquer. Ils attendent tous le signal de l’assaut. Il est convenu que l’explosion des torpilles bengalore sera le signal de l’attaque.
 L’alerte à l’intérieur de la batterie est bien entendu donné : l’assaut est imminent.

Le choc de l’assaut

“Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait”

 

Les torpilles Bengalore explosent. Le signal de l’assaut est donné.
Le Lieutenant-Colonel Otway hurle Get in, get in ! Foncez, foncez ! Et tous ses hommes, d’une seule voix, laissent jaillir les mêmes paroles.

 

Les parachutistes qui ont ouvert les brèches se jettent au sol pour optimiser la vitesse de pénétration des forces d’assaut qui leur passeront littéralement sur le corps. Ils devront aller d’autant plus vite qu’il n’y a que deux brèches seulement pour quatre groupes d’attaquants. En outre, il faut réduire au maximum leurs risques de s’accrocher dans les barbelés…


Les quatre groupes de parachutistes se ruent, chargent comme un seul homme. Ils foncent dans le champ de mines qui les séparent des brèches ouvertes dans les barbelés et ne disposent d’aucuns rubans blancs pour leur indiquer nettement les chemins déminés.

 

Dans ce champ de mines, ils courent de toute leur énergie vers leurs compagnons qui sont aplatis au sol pour les aider de leur mieux. Et les mitrailleuses MG allemandes crépitent de tout leur feu dévastateur. Les allemands dans les tranchées font feu de tous côtés. Une grêle de balles s’abat dans un chaos indicible sur les hommes du Major Alan Parry mais les parachutistes ne faiblissent pas. La mort siffle de toutes parts, lance ses éclairs déchirants la nuit. Mines qui détonent, déluge de balles, grenades, explosions, balles traçantes, nuages de poussière, trous de bombes, éclats, tentent de stopper net ces courageux parachutistes lancés dans leur charge héroïque.
Dès qu’ils sont passés sur le dos de leurs compagnons ces derniers ouvrent leur feu de couverture. Les balles pleuvent également sur eux. La Vickers du Sergent Mc Geever, tireur expert, fait taire avec ses servants quelques mitrailleuses ennemies.

 

Mais la violence et la densité du feu ennemi sont infernales.
Les minutes semblent interminables. Le Lieutenenant Jefferson s’est écroulé au milieu du champ de mines. Le Capitaine Hal Huson est fauché d’une rafale de mitrailleuse. Le Major Alan Parry est stoppé net, grièvement blessé à la jambe… D’autres parachutistes tombent mais les parachutistes poursuivent coûte que coûte l’effort surhumain d’assaut, mitraillettes Sten à la hanche et grenades pour donner le change aux ennemis.

 

Tout va très vite et le Lieutenant-Colonel Otway sait que désormais le sort est jeté. Il a gagné sa position à droite d’une brèche de barbelés et cherche à y voir clair au milieu de tant de chaos. Puis, à la vision du feu furieux défensif nourri par les allemands, Terence Otway décide d’engager sa force de réserve pour soutenir la tête de l’attaque dans l’impétuosité de son mouvement. Il faut à tout prix que la fougueuse progression des parachutistes en première ligne ne soit pas brisée. Il faut qu’elle les conduise jusqu’aux canons à faire taire. Il envisage même la possibilité de sauvages corps à corps…

La neutralisation de la batterie de Merville

Les parachutistes de la force d’assaut atteignent les casemates qui abritent les canons de Merville

Même dans cette situation critique de sous-effectif et de chaos, chaque parachutiste savait précisément ce qu’il avait à exécuter et il l’exécuta, avec une détermination sans faille. Ils se sont entraînés dur et comme le pensait le Brigadier James Hill, ainsi au maximum de leur efficacité, ils étaient armés pour affronter l’inimaginable. Et ils durent l’affronter. Mais il fallait, en outre, qu’ils soient tous armés d’un courage exceptionnel tant leur armement était dérisoire…

Un torrent de feu dévale de la batterie. Des grenades commencent à exploser à l’intérieur des casemates, par les portes, par les tuyaux d’aération… Des salves de Sten partent, les explosions résonnent en coup de tonnerre et au milieu des cris, des blessés, de la poussière et des imprécations, les parachutistes pénètrent dans les casemates. Des allemands sortent pour se rendre, d’autres continuent à tirer avec acharnement… Puis les derniers nids de résistance finissent par se taire définitivement.

Le Major Alan Parry en traînant sa jambe garrottée, vient diriger la neutralisation des canons en faisant placer les explosifs restants dans la culasse. Après explosion, il sort tant bien que mal de la casemate pour aller constater les dégâts de la charge par l’embrasure. Soudainement un obus siffle et explose près de la casemate n°1. Le major Alan Parry déjà durement touché éprouve une douleur très aigue à la main qu’il sent littéralement partir comme si elle se décollait de son bras. Après un coup d’oeil angoissé il constate avec grand soulagement que sa main est toujours au bout de son avant-bras, entaillée par un éclat de l’obus tombé près de lui. Il venait d’essuyer un obus de tir contre batterie ordonné par le Lieutenant Steiner depuis une autre batterie allemande. Après son inspection de la casemate n°1 le Major Alan Parry concentre toutes ses forces pour clopiner jusqu’aux autres casemates… Un nouveau tir contre-batterie est déclenché et les obus s’abattent dans un fracas de tonnerre autour de la batterie.

Le Lieutenant-Colonel Otway s’active de casemate en casemate pour dresser un état des canons. Il s’affaire pour prendre des nouvelles des hommes valides et des blessés. Il voit également le petit jour poindre et sait très bien que si le croiseur Arethusa ne reçoit aucun signal de succès il tuera de ses salves tous les parachutistes du 9ème Bataillon encore survivants. Il sait que le temps presse car l’heure est imminente où le bombardement naval préparatoire du débarquement sera bientôt lui aussi déclenché. Il constate aussi le nombre très élevé de blessés et mesure combien son corps médical fait tout ce qu’il peut pour oeuvrer dans une situation où il manque de tout…

Le Lieutenant-Colonel Otway ne pense plus pour l’instant, avec tous ses hommes, qu’à la menace du croiseur Arethusa… Il faut le prévenir de toute urgence.

Il faut prévenir
le croiseur Arethusa

Si le croiseur Arethusa ne reçoit aucune communication du 9ème Bataillon lui signifiant la réussite de la neutralisation de la batterie de Merville,

le Commandement conclura à l’échec de l’objectif et tentera de neutraliser la batterie lui-même par un bombardement naval intense.

 

Mais que faire sans les hommes de la Navy qui furent parachutés avec le 9ème Bataillon pour établir une liaison avec l’Arethusa, l’informer et éventuellement diriger ses tirs en cas de faillite de la neutralisation de la batterie. Mais ces hommes ne se sont jamais présentés au point de rendez- vous sur la Drop-Zone.

 

Et pour arranger encore les choses, le 9ème Bataillon ne dispose plus d’aucun moyen de transmission. Le temps passe vite et la mobilité du 9ème Bataillon avec ses blessés est plus que réduite.
Un pigeon voyageur rescapé de l’enfer est lâché.
Puis une fusée jaune est tirée.
Tout le monde se presse pour sortir du périmètre de la batterie avec une anxiété pesant de plus en plus lourd sur les casques au fil des minutes…
Le croiseur Arethusa ne tirera pas.

 

Le 9ème Bataillon quitte la batterie de Merville avec de lourdes pertes.